Malevil - Robert Merle
- Tu serais le chef des brigands, et moi le seigneur du château. Tu nous assiégerais, on n'aurait plus de provisions, et rien que des arc et des flèches pour se battre. Faisons comme si..." Ce jeu, nous l'avons tous pratiqué au cours de nos jeunes années, et le peitit Emmanuel qui hante les premières pages du roman de Robert Merle ne fait rien d'autre: il imagine que Malevil et ses vieilles pierres périgourdines lui appartiennent; il imagine qu'il lui faut, entouré d'une poingée de braves en culottes courtes, défendre son domaine contre un attaquant farouche, dans un monde dépouillé des progrès de notre temps.
Et soudain, le voici, parvenu à l'âge d'homme et rejoint par son rêve: Malevil lui appartient, les copains de son enfance sont devenus les amis de sa maturité, et le destin, qui sait muer l'imginaire improbable en une brûlante réalité, suscite l'événement, manipule les circonstances et matérialise le phantasme de jadis. Emmanuel et ses compagnons, survivants d'une apocalypse dont l'humanité est le seul artisan, se trouvent retranchés dans le vieux château, en butte au dénuement, menacés peut-être par d'autres survivants plus démunis encore, confrontés à l'antique devoir de perpétuer l'espèce et de sauver l'humain dans l'homme.
Anticipation? c'est trop vite dit, le roman de R. Merle va plus loin: il nous engage, à travers la fiction d'un univers aussi clos qu'une île, à vivre avec ses personnages les problèmes politiques, religieux, affectifs que pose toute société humaine. Il met à nu, aussi, les nostalgies les plus profondes de notre être; nous rêvons tous, dans le secret de notre coeur, de revenir sur nos pas et de reprendre l'aventure à zéro pour effacer les fautes, les bévues, les bravures de notre civilisation imparfaite et donner une seconde chance à l'homme. Nous rêvons tous d'un Malevil à sauver.
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Kizzy, la Petite Gitane - Rumer Godden
Pour foyer, une antique roulotte; pour ami, un vieux cheval; pour toute famille, une trisaïeule pétrie de toutes les traditions des gens de voyage. Mais Kizzy ne voyage pas; elle a sept ans, et sa roulotte, pauvre navire échoué, est définitivement ancré dans une parie voisine d'un charmant village anglais. Pourtant la petite fille demeure, avec sa jupe flottante, son teint mat, son humeur farouche et les anneaux de ses oreilles, une vraie gitane. Ces villageios sédentaires et bien lavés, bienveillants mais refermés sur leur conception de l'existence, lui sont aussi étrangers que les habitants d'une planète lointaine. Inquiète de les étonner, elle s'écarte, se singularise et, ce faisant, se désigne elle-même à ce vague antagonisme qu'éveile en nous quisconque est "différent".
Mias Kizzy, en butte à l'innocente cruauté des enfants de la localité, n'a pas encore touché le fond du malheur. D'un jour à l'autre, elle perdra tout, foyer et famille, pour ne conserver que son identité, qui semble la condamner à un exil perpétuel. Seule la plume délicate de Rumer Godden pouvait toucher à ce désespoir d'enfant sans nous désespérer nous-mêmes, sans nous accabler du poids de nos poropres préjugés. Le monde où se déroule le drame de Kizzy, la petite gitane, est le nôtre, fait d'idées préconçues, d'un peu de lâcheté, de beaucoup de courage et, en fin de compte, de cette fraternité qui, lorsqu'elle se montre, apparaît plus éblouissante encore pour avoir un instant dissimulé son visage.
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La Femme-Piège - Dorothy Uhna
Dans cette "chasse aux nuisibles" qui constitue la missoin de toutes les polices de la planète, il est un gibier aussi redoutable que le malfaiteur professionnel, souvent plus difficile à piéger, toujours plus pathétique: c'est le déséquilibré, le psychopathe, celui que le langage de tous les jours désigne du nom de sadique. Lâché dans la société comme un animal dangereux, criminel sans responsabilité et sans frein, il sait exploiter toutes les ressources de ses instincts malades, esquiver, fuir, brouiller sa trace, pour frapper de nouveau et selon une logique qui déjoue et prend de court tout stratégie fondée sur le bon sens. Pour prendre pareil gibier, il faut recourir à la ruse, à l'appât.
Dorothy Uhnak, auteur de "la Femme-piège", a vécu elle-même, au cours de sa carrière d'inspecteur de police, le douloureux suspense de son roman. La frêle Christie Opara qui part à travers New York srur les traces d'un assassin aveugle et sans visage, ce fut elle, et nous ne pouvons demeurer insensibles à l'accent d'authenticité que rendent sa peinture de la police new-yorkaise, son analyse du criminel, son récit, enfin, d'une haletante chasse à l'homme où le chasseur se déguise en gibier et court le risque de devenir victime.
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Le Rois de la Valse - Hans Fantel
Magie des noms! Celui de Johann Strauss claque comme un coup de baguette sur le pupitre du chef d'orchestre, faisant se lever le rideau sur un monde scintillant et révolu, grisant, grisé de musique tourbillonnante, innocemment abandonné au plaisir d'une danse nouvelle et bientôt interdite: la valse. Il y a deux Johann, le père et le fils - le premier né à l'aube du XIXe siècle dans une modeste auberge des bords du Danube, le second mort en 1899 dans sa superbe demeure viennoise -, et dans les limites de ces deux existences, de cette double et prodigieuse carrière, tient toute l'aventure européenne qui va de Napoléon à François-Joseph. Congrès de Vienne, révolution autrichienne, affres de la naissance de l'Allemagne moderne, qu'importe? Les vrais rois du moment sont les Strauss, et leur sceptre est leur baguette qui fait danser les foules.
Conteur autant qu'historien, l'auteur, Hans Fantel, brode avec art le filigraine de l'anecdote sur la toile de l'évènement. Il nous apprend comment s'est fondée cette dynastie de violonistes-chefs d'orchestre, cette famille où l'on connaissait la musique comme nous connaissons la grammaire, où l'on composait comme on respire, et sans guère en tirer plus d'orgueil, Aimer, boire et changer, la Chauve-Souris, la Valse de l'Empereur, le Beau Danube bleu. Nous découvrons que ces deux Johann, si tôt célè!bres dans l'Ancien et le Nouveau Monde, furent moins des vedettes sophistiquées que des hommes au coeur simple, préoccupés avant tout de leurs difficultés familiales et de leurs amours plus ou moins malecontreuses mais toujours sincères. Et il est bon de se dire que le talent et la gloire passent, parfois, par les voies de la candeur.
Malevil - Robert Merle
- Tu serais le chef des brigands, et moi le seigneur du château. Tu nous assiégerais, on n'aurait plus de provisions, et rien que des arc et des flèches pour se battre. Faisons comme si..." Ce jeu, nous l'avons tous pratiqué au cours de nos jeunes années, et le peitit Emmanuel qui hante les premières pages du roman de Robert Merle ne fait rien d'autre: il imagine que Malevil et ses vieilles pierres périgourdines lui appartiennent; il imagine qu'il lui faut, entouré d'une poingée de braves en culottes courtes, défendre son domaine contre un attaquant farouche, dans un monde dépouillé des progrès de notre temps.
Et soudain, le voici, parvenu à l'âge d'homme et rejoint par son rêve: Malevil lui appartient, les copains de son enfance sont devenus les amis de sa maturité, et le destin, qui sait muer l'imginaire improbable en une brûlante réalité, suscite l'événement, manipule les circonstances et matérialise le phantasme de jadis. Emmanuel et ses compagnons, survivants d'une apocalypse dont l'humanité est le seul artisan, se trouvent retranchés dans le vieux château, en butte au dénuement, menacés peut-être par d'autres survivants plus démunis encore, confrontés à l'antique devoir de perpétuer l'espèce et de sauver l'humain dans l'homme.
Anticipation? c'est trop vite dit, le roman de R. Merle va plus loin: il nous engage, à travers la fiction d'un univers aussi clos qu'une île, à vivre avec ses personnages les problèmes politiques, religieux, affectifs que pose toute société humaine. Il met à nu, aussi, les nostalgies les plus profondes de notre être; nous rêvons tous, dans le secret de notre coeur, de revenir sur nos pas et de reprendre l'aventure à zéro pour effacer les fautes, les bévues, les bravures de notre civilisation imparfaite et donner une seconde chance à l'homme. Nous rêvons tous d'un Malevil à sauver.
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Kizzy, la Petite Gitane - Rumer Godden
Pour foyer, une antique roulotte; pour ami, un vieux cheval; pour toute famille, une trisaïeule pétrie de toutes les traditions des gens de voyage. Mais Kizzy ne voyage pas; elle a sept ans, et sa roulotte, pauvre navire échoué, est définitivement ancré dans une parie voisine d'un charmant village anglais. Pourtant la petite fille demeure, avec sa jupe flottante, son teint mat, son humeur farouche et les anneaux de ses oreilles, une vraie gitane. Ces villageios sédentaires et bien lavés, bienveillants mais refermés sur leur conception de l'existence, lui sont aussi étrangers que les habitants d'une planète lointaine. Inquiète de les étonner, elle s'écarte, se singularise et, ce faisant, se désigne elle-même à ce vague antagonisme qu'éveile en nous quisconque est "différent".
Mias Kizzy, en butte à l'innocente cruauté des enfants de la localité, n'a pas encore touché le fond du malheur. D'un jour à l'autre, elle perdra tout, foyer et famille, pour ne conserver que son identité, qui semble la condamner à un exil perpétuel. Seule la plume délicate de Rumer Godden pouvait toucher à ce désespoir d'enfant sans nous désespérer nous-mêmes, sans nous accabler du poids de nos poropres préjugés. Le monde où se déroule le drame de Kizzy, la petite gitane, est le nôtre, fait d'idées préconçues, d'un peu de lâcheté, de beaucoup de courage et, en fin de compte, de cette fraternité qui, lorsqu'elle se montre, apparaît plus éblouissante encore pour avoir un instant dissimulé son visage.
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La Femme-Piège - Dorothy Uhna
Dans cette "chasse aux nuisibles" qui constitue la missoin de toutes les polices de la planète, il est un gibier aussi redoutable que le malfaiteur professionnel, souvent plus difficile à piéger, toujours plus pathétique: c'est le déséquilibré, le psychopathe, celui que le langage de tous les jours désigne du nom de sadique. Lâché dans la société comme un animal dangereux, criminel sans responsabilité et sans frein, il sait exploiter toutes les ressources de ses instincts malades, esquiver, fuir, brouiller sa trace, pour frapper de nouveau et selon une logique qui déjoue et prend de court tout stratégie fondée sur le bon sens. Pour prendre pareil gibier, il faut recourir à la ruse, à l'appât.
Dorothy Uhnak, auteur de "la Femme-piège", a vécu elle-même, au cours de sa carrière d'inspecteur de police, le douloureux suspense de son roman. La frêle Christie Opara qui part à travers New York srur les traces d'un assassin aveugle et sans visage, ce fut elle, et nous ne pouvons demeurer insensibles à l'accent d'authenticité que rendent sa peinture de la police new-yorkaise, son analyse du criminel, son récit, enfin, d'une haletante chasse à l'homme où le chasseur se déguise en gibier et court le risque de devenir victime.
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Le Rois de la Valse - Hans Fantel
Magie des noms! Celui de Johann Strauss claque comme un coup de baguette sur le pupitre du chef d'orchestre, faisant se lever le rideau sur un monde scintillant et révolu, grisant, grisé de musique tourbillonnante, innocemment abandonné au plaisir d'une danse nouvelle et bientôt interdite: la valse. Il y a deux Johann, le père et le fils - le premier né à l'aube du XIXe siècle dans une modeste auberge des bords du Danube, le second mort en 1899 dans sa superbe demeure viennoise -, et dans les limites de ces deux existences, de cette double et prodigieuse carrière, tient toute l'aventure européenne qui va de Napoléon à François-Joseph. Congrès de Vienne, révolution autrichienne, affres de la naissance de l'Allemagne moderne, qu'importe? Les vrais rois du moment sont les Strauss, et leur sceptre est leur baguette qui fait danser les foules.
Conteur autant qu'historien, l'auteur, Hans Fantel, brode avec art le filigraine de l'anecdote sur la toile de l'évènement. Il nous apprend comment s'est fondée cette dynastie de violonistes-chefs d'orchestre, cette famille où l'on connaissait la musique comme nous connaissons la grammaire, où l'on composait comme on respire, et sans guère en tirer plus d'orgueil, Aimer, boire et changer, la Chauve-Souris, la Valse de l'Empereur, le Beau Danube bleu. Nous découvrons que ces deux Johann, si tôt célè!bres dans l'Ancien et le Nouveau Monde, furent moins des vedettes sophistiquées que des hommes au coeur simple, préoccupés avant tout de leurs difficultés familiales et de leurs amours plus ou moins malecontreuses mais toujours sincères. Et il est bon de se dire que le talent et la gloire passent, parfois, par les voies de la candeur.